L’acceptation des robots humanoĂŻdes ne dĂ©pend pas uniquement des caractĂ©ristiques du robot ou des traits individuels des clients. Les recherches rĂ©centes en hĂŽtellerie–restauration montrent que la situation d’usage, le type d’établissement, le format de service, le contexte sanitaire ou encore le contexte culturel modifient fortement les attitudes et intentions vis-Ă -vis des robots de service.

Les revues de la littérature soulignent ainsi que les facteurs contextuels jouent un rÎle de toile de fond : ils façonnent la maniÚre dont les clients interprÚtent la présence du robot et pondÚrent les bénéfices et les risques associés (Ye et al., 2022 ; Fusté-Forné, 2021 ; Tuomi et al., 2021).

Idée clé

Un mĂȘme robot peut ĂȘtre jugĂ© innovant et pertinent dans un contexte (restaurant casual, buffet petit-dĂ©jeuner, pĂ©riode de crise sanitaire) et incongru ou inacceptable dans un autre (restaurant gastronomique, contexte de forte attente relationnelle).

1. Que sont les facteurs contextuels ?

Dans la littĂ©rature sur les robots de service, les facteurs contextuels renvoient Ă  l’ensemble des caractĂ©ristiques de la situation de service indĂ©pendantes de la personne qui interagit avec le robot :

  • type d’établissement (hĂŽtel, restaurant, restauration collective, aĂ©roport, etc.) ;
  • niveau de gamme (luxe, milieu de gamme, Ă©conomique) ;
  • format de service (full-service, limited-service, self-service, buffet) ;
  • rĂŽle assignĂ© au robot dans le parcours de service ;
  • configuration spatiale, densitĂ© de clients, niveaux de frĂ©quentation ;
  • contexte temporel (pĂ©riodes de pointe, crise sanitaire, Ă©vĂ©nements) ;
  • contexte culturel et normes locales de service.
Pour vos modùles d’acceptation

Les facteurs contextuels sont le plus souvent mobilisĂ©s comme variables modĂ©ratrices (qui modifient l’intensitĂ© ou le signe d’un effet) ou comme variables de segmentation (comparaison de plusieurs contextes), plutĂŽt que comme dĂ©terminants directs.

2. Principaux facteurs contextuels identifiés dans la littérature

2.1. Type d’établissement et niveau de gamme

Des travaux expĂ©rimentaux montrent que la rĂ©action des clients Ă  la technologie dĂ©pend du positionnement de l’établissement. Dans une sĂ©rie d’expĂ©riences, Nozawa et al. (2022) montrent que les restaurants de luxe utilisant des solutions d’IA et d’automatisation sont Ă©valuĂ©s plus nĂ©gativement que les restaurants casual ou fast-casual, Ă  offre de service Ă©quivalente.

Dans le mĂȘme esprit, Belanche et al. (2021) soulignent que les robots de frontline sont perçus diffĂ©remment selon que l’établissement est positionnĂ© sur la rĂ©duction de coĂ»ts (effet potentiellement nĂ©gatif sur l’image) ou sur l’amĂ©lioration de l’expĂ©rience.

Questions de recherche possibles
  • L’effet de l’anthropomorphisme est-il plus fort dans les restaurants haut de gamme ?
  • Les attentes de chaleur humaine sont-elles plus pĂ©nalisantes pour les robots dans le luxe ?

2.2. Format de service : full-service, limited-service et self-service

Kao & Huang (2023) montrent que l’acceptation des robots est fortement liĂ©e au format de service :

  • dans les limited-service restaurants (QSR, fast-casual), la dimension fonctionnelle (rapiditĂ©, efficacitĂ©) domine et les robots sont plus facilement acceptĂ©s ;
  • dans les full-service restaurants, les attentes relationnelles et expĂ©rientielles sont plus fortes, ce qui rend les robots plus sensibles aux risques de dĂ©shumanisation.

Les Ă©tudes de cas de restaurants entiĂšrement robotisĂ©s illustrent aussi comment le format (buffet automatisĂ©, convoyeur robotisĂ©, service Ă  table par robots) structure l’expĂ©rience (Seyitoğlu & Ivanov, 2022).

2.3. RÎle assigné au robot dans le parcours de service

Tuomi, Tussyadiah & Hanna (2021) analysent deux prototypes d’usage du robot Pepperℱ dans un hĂŽtel : en rĂ©ceptionniste (information, accueil) et en prise de commande (F&B). Le mĂȘme robot est Ă©valuĂ© diffĂ©remment selon le rĂŽle de service :

  • pour des tĂąches informationnelles (orientation, FAQ, recommandations), les clients acceptent plus facilement un robot, y compris dans des hĂŽtels de niveau Ă©levĂ© ;
  • pour des tĂąches hautement relationnelles (conseil, vente de vins, gestion des rĂ©clamations), les attentes d’humanitĂ© sont plus fortes et les robots sont jugĂ©s plus criticquement.

Les revues de la littérature distinguent ainsi plusieurs rÎles du robot : soutien, substitution, différenciation, amélioration et upskilling des employés (Tuomi, Tussyadiah & Stienmetz, 2021 ; Ye et al., 2022).

À retenir pour vos modùles

Le rĂŽle du robot (accueil, livraison, encaissement, conciergerie, animation) peut ĂȘtre intĂ©grĂ© comme facteur contextuel clĂ© et testĂ© comme modĂ©rateur des effets de l’anthropomorphisme, de la prĂ©sence sociale ou du risque perçu.

2.4. Contexte spatial, densité et environnement de service

Les conditions physiques du servicescape influencent aussi la maniĂšre dont les robots sont perçus. Dans les Ă©tudes sur les service triads, la configuration des lieux (espaces ouverts, couloirs Ă©troits, zones de forte densitĂ©) et la co-prĂ©sence d’employĂ©s humains modulent la qualitĂ© de l’interaction (Odekerken-Schröder et al., 2022).

  • les robots mobiles sont particuliĂšrement observĂ©s dans les zones de fort trafic (lobby, buffets, corridors) ;
  • la densitĂ© de clients influence la perception de fluiditĂ© ou de gĂȘne ;
  • la co-prĂ©sence de personnel humain peut rassurer (supervision, secours).
Point de vigilance opérationnel

Un mĂȘme robot peut ĂȘtre jugĂ© efficace dans un lobby spacieux et ĂȘtre perçu comme encombrant ou dangereux dans un espace Ă©troit ou fortement encombrĂ©. Les Ă©tudes insistent sur la nĂ©cessitĂ© d’aligner le design du servicescape avec les trajectoires et la visibilitĂ© des robots.

2.5. Contexte temporel, crise sanitaire et bio-sécurité

Le contexte temporel et sanitaire influence fortement l’acceptation. Durant la pandĂ©mie de COVID-19, Wu et al. (2021) montrent que le risque perçu de contamination augmente l’engagement envers les robots dans l’hĂŽtellerie : les clients prĂ©fĂšrent interagir avec des robots plutĂŽt qu’avec des employĂ©s humains lorsque la distance sociale devient un enjeu central.

Ivanov et al. (2022) dĂ©veloppent un cadre conceptuel liant bio-sĂ©curitĂ©, gestion de crise et automatisation : les crises sanitaires crĂ©ent des incitations fortes Ă  adopter des technologies de service automatisĂ©es pour garantir la continuitĂ© de l’activitĂ© et renforcer la confiance des clients.

  • en pĂ©riode de crise, les robots peuvent ĂȘtre perçus comme rĂ©ducteurs de risque ;
  • hors crise, ils peuvent au contraire ĂȘtre vus comme gadgets coĂ»teux.

2.6. Contexte culturel, destination et normes de service

Les Ă©tudes comparatives montrent que les rĂ©actions aux robots varient selon le contexte culturel. Dans une analyse de services robotisĂ©s aux États-Unis et au Japon, Tuomi (2021) met en Ă©vidence des diffĂ©rences dans la maniĂšre dont les employĂ©s et les clients dĂ©finissent les rĂŽles souhaitables des robots et des humains dans la rencontre de service.

D’autres travaux qualitatifs dans le tourisme mettent en avant le rĂŽle des reprĂ©sentations culturelles des robots (innovants, ludiques, inquiĂ©tants, menaçants) et des normes locales de service (attentes de politesse, d’émotion, de flexibilitĂ©) dans l’acceptation des restaurants et hĂŽtels robotisĂ©s.

Implication pour les projets internationaux

Un concept de restaurant robotisĂ© « clĂ© en main » ne peut pas ĂȘtre simplement dupliquĂ© d’un pays Ă  l’autre : les facteurs contextuels culturels imposent d’adapter le rĂŽle, le degrĂ© de proximitĂ© et parfois mĂȘme l’esthĂ©tique des robots.

3. Comment intégrer les facteurs contextuels dans un modÚle ?

Dans les travaux quantitatifs sur les robots de service, les facteurs contextuels sont généralement mobilisés de trois façons :

  • ModĂ©ration :
    – type de restaurant (luxe vs non-luxe) modĂ©rant l’effet de la prĂ©sence sociale sur l’intention (Nozawa et al., 2022) ;
    – format full-service vs limited-service modĂ©rant l’effet de l’utilitĂ© perçue (Kao & Huang, 2023) ;
    – niveau de risque sanitaire modĂ©rant la relation entre risque perçu et engagement (Wu et al., 2021).
  • Segmentation :
    comparaison de l’acceptation des robots entre plusieurs types d’établissements, destinations ou cultures (Seyitoğlu & Ivanov, 2022).
  • Variables de contrĂŽle :
    catĂ©gorie d’hĂŽtel, positionnement prix, type de repas (petit-dĂ©jeuner, banquet, buffet, restauration rapide, etc.).
Conseils pour vos questionnaires
  • Identifier clairement le contexte d’usage dĂ©crit dans le scĂ©nario (vignette).
  • Ajouter des questions simples de contexte : type d’établissement, niveau de gamme perçu, format de service.
  • Envisager des analyses multi-groupes (luxe vs non-luxe, full-service vs limited-service, avec vs sans crise sanitaire).

Références scientifiques principales

  • Belanche, D., CasalĂł, L. V., & FlaviĂĄn, C. (2021). Frontline robots in tourism and hospitality: Service enhancement or cost reduction? Electronic Markets, 31(3), 477–492. https://doi.org/10.1007/s12525-020-00432-5
  • FustĂ©-FornĂ©, F. (2021). Co-creating new directions for service robots in hospitality and tourism. Tourism and Hospitality, 2(1), 3. https://doi.org/10.3390/tourhosp2010003
  • Ivanov, S. H., Webster, C., Stoilova, E., & Slobodskoy, D. (2022). Biosecurity, crisis management, automation technologies and economic performance of travel, tourism and hospitality companies – A conceptual framework. Tourism Economics, 28(1), 3–26. https://doi.org/10.1177/1354816620946541
  • Kao, W.-K., & Huang, Y.-S. (2023). Service robots in full- and limited-service restaurants: Extending technology acceptance model. Journal of Hospitality and Tourism Management, 54, 10–21. https://doi.org/10.1016/j.jhtm.2022.11.006
  • Nozawa, C., Togawa, T., Velasco, C., & Motoki, K. (2022). Consumer responses to the use of artificial intelligence in luxury and non-luxury restaurants. Food Quality and Preference, 96, 104436. https://doi.org/10.1016/j.foodqual.2021.104436
  • Seyitoğlu, F., & Ivanov, S. (2022). Understanding the robotic restaurant experience: A multiple case study. Journal of Tourism Futures, 8(1), 55–72. https://doi.org/10.1108/JTF-04-2020-0070
  • Tuomi, A., Tussyadiah, I. P., & Hanna, P. (2021). Spicing up hospitality service encounters: The case of Pepperℱ. International Journal of Contemporary Hospitality Management, 33(11), 3906–3925. https://doi.org/10.1108/IJCHM-07-2020-0739
  • Tuomi, A., Tussyadiah, I. P., & Stienmetz, J. (2021). Applications and implications of service robots in hospitality. Cornell Hospitality Quarterly, 62(2), 232–247. https://doi.org/10.1177/1938965520923961
  • Wu, J., Zhang, X., Zhu, Y., & Yu-Buck, G. F. (2021). Get close to the robot: The effect of risk perception of COVID-19 pandemic on customer–robot engagement. International Journal of Environmental Research and Public Health, 18(12), 6314. https://doi.org/10.3390/ijerph18126314
  • Ye, H., Law, R., & Guo, Q. (2022). A review of robotic applications in hospitality and tourism. Sustainability, 14(17), 10827. https://doi.org/10.3390/su141710827
  • Odekerken-Schröder, G., et al. (2022). The service triad: An empirical study of service robots, employees and customers. Journal of Service Management, 33(4), 577–603.