Facteurs individuels d’acceptation des robots de service

Au-delà des caractéristiques des robots et du contexte de service, les différences entre individus jouent un rôle déterminant dans l’acceptation des robots humanoïdes en restauration, restauration collective et hôtellerie. Les recherches montrent que des variables telles que la technology readiness, l’innovativité personnelle, l’anxiété face aux robots, les attitudes générales envers la technologie, ainsi que certains traits de personnalité et caractéristiques socio-démographiques influencent directement ou modèrent les réactions aux robots de service.

Les travaux menés dans les restaurants et hôtels robotisés confirment que deux clients exposés au même robot et au même contexte peuvent adopter des comportements radicalement différents en fonction de leurs dispositions individuelles (Ma et al., 2022 ; Gong, 2025 ; Shi et al., 2025 ; Lin, 2021).

1. Que recouvrent les facteurs individuels ?

On qualifie de facteurs individuels l’ensemble des caractéristiques relativement stables d’une personne qui influencent sa manière de percevoir, d’évaluer et d’utiliser les technologies de service, y compris les robots humanoïdes. Ils se distinguent :

• des facteurs contextuels (type d’établissement, format de service) ;
• des croyances spécifiques liées au robot (utilité, facilité d’usage) ;
• des états affectifs situés (émotions ressenties pendant l’interaction).

Dans les modèles d’acceptation, ces facteurs individuels sont utilisés :

• comme antécédents directs de l’intention d’utiliser un robot ;
• comme antécédents des croyances cognitives et affectives (utilité, plaisir, risque) ;
• comme modérateurs (ils amplifient ou réduisent certains effets du design du robot ou du contexte).

2. Dispositions individuelles face à la technologie

2.1. Technology readiness (TRI / TRI 2.0)

La technology readiness (Parasuraman & Colby, 2015) désigne la tendance d’un individu à adopter et utiliser des technologies nouvelles pour accomplir des tâches. Elle combine plusieurs dimensions (optimisme, innovativité, inconfort, insécurité) et a été largement utilisée pour expliquer l’usage de technologies libres-service en hôtellerie-restauration.

Dans le contexte des robots de service :

• une technology readiness élevée est associée à des attitudes plus favorables envers les robots et une intention d’utilisation renforcée (Ma et al., 2022 ; Abdullah & Mazlan, 2024) ;
• les clients peu prêts technologiquement se déclarent plus mal à l’aise et perçoivent davantage de risques (Gong, 2025 ; Ozturk et al., 2023).

2.2. Innovativité personnelle et propension à essayer de nouveaux services

L’innovativité personnelle (personal innovativeness in IT) renvoie à la tendance d’un individu à essayer en premier des technologies nouvelles. Des méta-analyses dans l’hôtellerie et le tourisme montrent que cette variable exerce un effet significatif – même si modéré – sur l’adoption des technologies de service (méta-analyse sur l’innovativité en contexte hôtelier ; Han, 2025).

Pour les robots de service :

• les clients très innovateurs manifestent une curiosité plus forte, évaluent plus positivement l’expérience et tolèrent mieux les imperfections (Lin, 2021 ; Shi et al., 2025) ;
• l’innovativité modère souvent l’effet de la qualité perçue du service robotisé sur l’intention de réutilisation (Shi et al., 2025).

2.3. Technophilie, technophobie et familiarité numérique

Des dispositions plus générales, comme la technophilie (attitude positive envers la technologie) ou la technophobie (méfiance, peur des technologies), influencent également la manière dont les clients perçoivent les robots. Les études montrent que :

• les personnes technophiles perçoivent davantage de bénéfices et moins de risques ;
• les personnes technophobes sont plus enclines à ressentir de l’anxiété et à éviter le contact avec le robot.

3. Attitudes générales et émotions envers les robots

3.1. Attitudes générales envers les robots

Plusieurs échelles ont été développées pour mesurer les attitudes générales envers les robots (NARS, Frankenstein Syndrome Questionnaire, Multi-Dimensional Robot Attitude Scale, GAToRS). Koverola et al. (2022) proposent le General Attitudes Towards Robots Scale (GAToRS) qui distingue des dimensions cognitives et affectives.

Ces attitudes préexistantes :

• influencent la manière dont les clients interprètent la présence d’un robot en salle ;
• conditionnent la probabilité d’essayer le service robotisé au moins une fois ;
• peuvent expliquer une partie des réactions très polarisées (enthousiasme vs rejet).

3.2. Robot anxiety et AI anxiety

La robot anxiety (Nomura et al., 2006) correspond à une anxiété préexistante à l’idée d’interagir avec des robots. Elle est souvent mesurée via le Robot Anxiety Scale (RAS), dont plusieurs adaptations récentes confirment la validité psychométrique (revues de Vagnetti et al., 2024 ; études sur la robot/AI anxiety).

Dans les études sur les services robotisés :

• la robot anxiety est un antécédent négatif robuste de l’intention d’utilisation ;
• elle augmente la perception de risque et réduit la confiance ;
• elle modère l’effet des caractéristiques du robot (anthropomorphisme, présence sociale) sur l’attitude (Soliman et al., 2024).

3.3. Préférences pour le service humain vs robot

Plusieurs travaux montrent que certains clients possèdent une forte préférence pour le contact humain dans les services (need for human interaction) et déclarent éviter les technologies libres-service lorsque c’est possible. En contexte robotisé, ces préférences se traduisent par :

• une évaluation plus sévère des robots ;
• une résistance à l’idée de remplacement des employés ;
• une préférence pour les formats hybrides (robot + humain).

4. Traits de personnalité, besoins relationnels et aversion au risque

4.1. Traits de personnalité (Big Five) et caractéristiques psychologiques

Des travaux récents montrent que certaines dimensions des Big Five (extraversion, ouverture, névrosisme, etc.) et d’autres traits psychologiques (curiosité, locus de contrôle, besoin de nouveauté) peuvent contribuer à expliquer les différences d’acceptation (Tu et al., 2023).

• l’ouverture à l’expérience est souvent associée à des attitudes plus positives envers les robots ;
• un névrosisme élevé peut renforcer l’anxiété et les perceptions de risque ;
• l’extraversion peut augmenter le besoin d’interaction sociale – humaine ou robotique – selon le contexte.

4.2. Besoin d’interaction humaine et attentes relationnelles

Le besoin d’interaction avec le personnel (need for interaction with service employees) est un déterminant clé hérité des travaux sur les technologies de self-service en hôtellerie-restauration. Les individus qui attachent beaucoup d’importance au contact humain :

• évaluent plus faiblement les expériences robotisées ;
• perçoivent davantage la déshumanisation comme un risque ;
• sont plus sensibles à la perte de chaleur dans la relation de service (Kim, 2021 ; Ozturk et al., 2023).

4.3. Aversion au risque et besoin de contrôle

L’aversion au risque et le besoin de contrôle constituent également des facteurs individuels influençant les réactions aux robots :

• les clients très averses au risque préfèrent des services prévisibles et maîtrisés, ce qui peut les éloigner des robots perçus comme incertains ;
• un fort besoin de contrôle accentue la méfiance envers les systèmes autonomes, en particulier lorsque leur fonctionnement n’est pas transparent.

5. Caractéristiques socio-démographiques et expérience antérieure

5.1. Âge, genre, niveau d’éducation

Les études sur les technologies de self-service et les robots de service montrent des tendances générales :

• les clients plus jeunes ont en moyenne une acceptation plus élevée des robots et des technologies de service (Ozturk et al., 2023 ; études sur les SST en hôtellerie) ;
• les résultats sur le genre sont plus contrastés, mais certains travaux rapportent une légère sur-représentation des hommes parmi les adopteurs précoces de robots et d’IA ;
• un niveau d’éducation plus élevé et une forte utilisation des technologies numériques au quotidien sont associés à une meilleure compréhension et une plus grande acceptation.

5.2. Expérience antérieure des robots et des services automatisés

L’expérience antérieure avec les robots de service (dans un autre restaurant, un hôtel, un aéroport, un centre commercial) ou avec des technologies proches (kiosques, applis, IA de service) est un antécédent fréquent :

• une expérience positive renforce la confiance et réduit les peurs ;
• une expérience négative peut ancrer des résistances durables ;
• des expériences répétées contribuent à la formation de l’habitude, variable clé dans les modèles de type UTAUT2 / UTAUT3.

Références scientifiques principales

• Abdullah, H., & Mazlan, N. (2024). The acceptance of customers towards service robots in restaurants. Journal of Tourism, Hospitality and Environment Management.
• Gong, T. (2025). Bridging the gap: Exploring the nexus of service robot personalization, customer engagement and technology readiness. The Service Industries Journal.
• Han, H. (2025). Customer innovativeness and acceptance behaviors toward service robots in hospitality. Journal of Hospitality and Tourism Technology.
• Kim, S. S., Kim, J., Badu-Baiden, F., Giroux, M., & Choi, Y. (2021). Preference for robot service or human service in hotels? International Journal of Hospitality Management, 93, 102795.
• Koverola, M., Hildén, L., Rantanen, A., et al. (2022). General Attitudes Towards Robots Scale (GAToRS): A new multi-dimensional instrument. International Journal of Social Robotics, 14, 1763–1782.
• Lin, Y. (2021). How do customers respond to robotic service? A scenario-based study in hospitality. Journal of Hospitality and Tourism Technology, 12(3), 402–421.
• Ma, E., Yang, H., Wang, Y. C., & Song, H. (2022). Building restaurant customers’ technology readiness through robot-assisted experiences at multiple product levels. Tourism Management, 93, 104610.
• Nomura, T., Suzuki, T., Kanda, T., & Kato, K. (2006). Measurement of anxiety toward robots. In Proceedings of the 15th IEEE International Symposium on Robot and Human Interactive Communication, 372–377.
• Ozturk, A. B., et al. (2023). Hotel customers’ behavioral intentions toward service robots. Journal of Hospitality and Tourism Technology, 14(4), 556–578.
• Parasuraman, A., & Colby, C. L. (2015). Techno-ready marketing: How and why your customers adopt technology. New York: Free Press.
• Shi, Y., et al. (2025). The impact of hotel robots’ service quality on continuance intention: The moderating role of personal innovativeness. Frontiers in Robotics and AI.
• Soliman, M., et al. (2024). Pursuing the drivers of consumer behaviour toward service robots in tourism. Journal of Hospitality and Tourism Management, 59, 1–12.
• Tu, Y., et al. (2023). Exploring the influence of service employees’ characteristics on attitudes toward service robots. Journal of Service Management, 34(5), 1038–1064.
• Vagnetti, R., et al. (2024). Measurement instruments for attitudes toward social robots: A systematic review of psychometric properties. International Journal of Social Robotics.